Depuis le début de la crise sanitaire, en France comme à l’étranger, les capacités hospitalières en réanimation ont conditionné, non seulement le fonctionnement des systèmes de santé, mais aussi la vie économique et la vie sociale dans leur ensemble, et même les libertés publiques. Il s’agit là d’un phénomène inédit : la réanimation constitue une activité hospitalière très spécifique, peu connue du grand public, rarement analysée par les institutions publiques d’évaluation et de contrôle et peu mise en avant dans les politiques publiques. Elle concerne des patients au pronostic vital engagé qui ont besoin, 24h/24, de soins et de surveillance par des professionnels, avec des techniques dont la nature, le nombre et la disponibilité effective sont étroitement réglementés. Pour ces patients, il n’existe pas d’alternative à une hospitalisation en urgence dans une unité de réanimation. Les lits de ces unités sont en permanence occupés à 88 % en moyenne, avec des pics d’activité récurrents en hiver.
La réanimation est la composante la plus visible d’un ensemble plus large d’activités rassemblées sous le terme de soins critiques, comprenant aussi les soins intensifs et la surveillance continue : organisés en France depuis 2002, les soins critiques ont en commun la mission de prévenir, diagnostiquer et traiter les défaillances d’organes vitaux chez des patients en situation critique dont le pronostic est grave, mais potentiellement favorable. Au 31 décembre 2019, la France comptait 19 580 lits de soins critiques adultes et enfants, dont 5 433 dédiés à la réanimation, 8 192 à la surveillance continue et 5 955 aux soins intensifs. Bien que les soins critiques ne constituent qu’une faible proportion des séjours hospitaliers (4,3 % du total), ils représentent à eux seuls 20 % des journées réalisées en hospitalisation complète, du fait de durées de séjours longues. Les soins critiques rassemblent près de 54 000 équivalents temps plein de personnels médicaux et paramédicaux et représentent une dépense de près de 7,2 Md€ (contre 6,6 Md€ en 2014), dont 3,3 Md€ consacrés à la réanimation. Dans un contexte de crise sanitaire de longue durée, la Cour a cherché à évaluer dans quelle mesure l’organisation des soins critiques en France a permis d’y répondre efficacement. Si la mobilisation sans précédent du secteur des soins critiques durant la crise a permis de faire face à l’urgence, avec cependant des conséquences à long terme inconnues en termes de santé publique, ces services étaient mal préparés à affronter une telle situation. Ce constat appelle des réformes structurelles.